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Juin 2024

Repenser l'accès à la propriété

Un nouveau pacte social

Alors que les prix de l’immobilier atteignent des sommets dans de nombreuses régions, et que les jeunes générations peinent à se projeter dans l’achat d’un bien, une question s’impose : faut-il repenser notre modèle d’accès à la propriété ? Pendant des décennies, devenir propriétaire a été perçu comme un passage obligé vers la stabilité, voire la réussite sociale. Pourtant, cette norme vacille, bousculée par la crise du logement, les mutations sociales et les impératifs écologiques.

Le rêve pavillonnaire s’est longtemps imposé comme un idéal. Or, il s’accompagne de nombreux effets pervers : étalement urbain, dépendance à la voiture, fracture territoriale. L’explosion des prix dans les grandes agglomérations exclut une part croissante de la population. Aujourd’hui, pour beaucoup de jeunes actifs, l’accession à la propriété est un mirage. Parallèlement, la précarité de l’emploi et la mobilité professionnelle renforcent le besoin de flexibilité. Le modèle du propriétaire à vie dans son logement ne correspond plus toujours aux aspirations contemporaines.

Face à cette impasse, de nouvelles formes d’accès au logement émergent, plus inclusives, plus solidaires, et plus durables. Le bail réel solidaire (BRS) dissocie le foncier du bâti, permettant d’acheter un logement à prix réduit tout en payant une redevance pour le terrain. Une réponse concrète à la spéculation foncière. Les coopératives d’habitants ou l’habitat participatif favorisent la gestion collective et la mutualisation des espaces, tout en réduisant les coûts. La location sécurisée, dotée de droits renforcés pour les locataires, redonne de la stabilité sans exiger un lourd investissement initial. Ces modèles ne sont pas seulement des innovations techniques : ils incarnent une transformation culturelle. Ils posent la question : doit-on posséder pour habiter dignement ?

Repenser l’accès à la propriété nécessite aussi une nouvelle stratégie politique. Cela implique de réguler la spéculation, de réorienter les aides au logement, mais aussi de favoriser la réhabilitation de l’existant. De nombreux élus locaux expérimentent déjà ces pistes : création d’organismes de foncier solidaire, soutien aux projets collectifs, encouragement de la densification urbaine plutôt que de l’expansion. Mais l’enjeu est aussi fiscal et symbolique. Faut-il continuer à privilégier fiscalement la propriété individuelle, au détriment d’autres formes d’habitat ?

L’Île d’Yeu, petite perle de l’Atlantique, incarne à elle seule les paradoxes de l’accès au logement en France. Si elle attire chaque année des milliers de touristes, elle peine à offrir à ses habitants permanents un toit abordable.

Depuis quelques années, les prix de l’immobilier sur l’île ont littéralement flambé. Le prix moyen d’une maison avoisine désormais les 450 000 euros, rendant l’accession à la propriété quasi inaccessible pour les résidents permanents. La majorité des habitations sont des résidences secondaires, souvent inaccessibles financièrement pour les locaux. Cette situation menace la mixité sociale et la pérennité des services publics.

Face à cette impasse, des initiatives locales tentent de redéfinir l’accès au logement :

- Habitat coopératif : Un projet d’habitat coopératif a été lancé pour permettre aux résidents à l’année d’accéder à des logements durables et abordables.

- Bail emphytéotique : Ce contrat, d’une durée pouvant aller jusqu’à 99 ans, permet à un preneur d’exploiter un bien en échange d’une redevance modeste, tout en respectant des obligations contractuelles. À la fin de la période, le bien revient au propriétaire, accompagné des améliorations apportées. Ce dispositif offre une alternative intéressante à la vente ou à la location traditionnelle.

- Régulation de la location saisonnière : La municipalité envisage de limiter les locations de courte durée et d’établir un quota de résidences secondaires pour préserver le parc immobilier destiné aux résidents permanents.

L’exemple de l’Île d’Yeu illustre la nécessité de repenser notre modèle d’accès à la propriété. Il ne s’agit pas de renoncer à la propriété individuelle, mais de l’adapter aux réalités contemporaines. Des dispositifs comme l’habitat coopératif ou le bail emphytéotique offrent des pistes pour conjuguer droit au logement et durabilité.

O.G - Mars 2025

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